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relations en négociation interculturelle
Au cœur de toute négociation internationale, qu’elle soit politique ou commerciale, se pose la question du conflit et de la coopération entre les cultures [2]. Daniel Druckman (2001) distingue les négociations portant sur la sécurité, les négociations politiques, enfin les négociations commerciales ou économiques. Leurs dynamiques sont communes et toutes sont soumises aux schémas culturels et cognitifs de leurs participants. Ces négociations internationales ont toujours intéressé les chercheurs, quelle que soit leur discipline ou leur origine culturelle. Guy-Olivier Faure et Melvin Shakun (1999) soulignent que de nombreux efforts ont été fournis pour combler le fossé entre théorie et pratique et que la culture influence directement les processus de négociations, à travers les connaissances, les croyances et les comportements des acteurs impliqués.
Certains auteurs ont qualifié la culture comme le logiciel de l’esprit (Hofstede, 1983, 1985 ; Salacuse, 1999). Tony Fang, Verner Worm et Rosalie Tung (2008, p. 61) en ont donné la définition suivante : « La culture [est] un ensemble évolutif de croyances partagées,de valeurs, d’attitudes et de processus logiques qui fournissent des cartes cognitives aux individus, ce qui leur permet de percevoir, penser, raisonner, agir, réagir et interagir. Cette perspective dynamique de la culture met en évidence la double propriété de stabilité et de changement associée à la culture d’une société ». Roy D’Andrade (1987), de son côté, définit le modèle culturel comme un schéma cognitif inter-subjectivement partagé par un groupe social. Le schéma cognitif d’une situation de négociation simple, dit-il, implique les éléments suivants : un prix initial, une série d’offres convergentes et de contre-offres, et, éventuellement, un accord final. C’est là l’une des observations les plus pertinentes pour la théorie des négociations internationales : elle confirme que le processus de négociation est inscrit dans des habitudes culturelles profondément enracinées. Si l’on considère la façon dont les cultures encensent ou, au contraire, rejettent le marchandage, il est clair que la culture joue un rôle important dans les processus de négociation. Jeswald Salacuse (1999, p. 217) indique, par exemple, que « la culture influence profondément la façon dont les gens pensent, communiquent et se comportent, et [qu’] elle affecte également les types de transactions qu’ils opèrent et la manière dont ils transigent ». Afin de comprendre les négociations interculturelles à partir d’un point de vue procédural, il est nécessaire de prendre en compte les différences culturelles au regard des actions engagées et des stratégies déployées pour atteindre un résultat espéré. Ce qui invalide quelque peu une approche purement descriptive à l’égard de la culture et nous oblige à considérer de façon plus dynamique les différences entre les cultures.
Quand Rudolf Avenhaus et al. (2008) remarquent que « les théoriciens parlent de leurs théories et les praticiens de leur expérience », il est clair que toutes deux, théorie et expérience, sont nécessaires pour faire face aux défis des négociations interculturelles. Cet article mobilise les expériences d’une praticienne en formation interculturelle et transfère ses connaissances dans le cadre de la théorie des jeux, adapté aux négociations interculturelles.
Richard Lewis (2006) a proposé une typologie des cultures, à partir d’une approche fondée sur l’activité ; cela représente une étape importante dans le développement des connaissances sur les modèles de comportement culturel. Elle peut être facilement traduite dans les termes de la théorie des jeux et du marchandage. Le manque de preuves scientifiques de la catégorisation de Lewis à propos des cultures régionales et nationales sera pris en compte et sa typologie en trois types – les cultures dites : linéaire-active, multi-active et réactive – sera reliée aux résultats expérimentaux.
Cet article propose donc un cadre théorique pour comprendre les négociations interculturelles, fondé sur un modèle de négociation combinant différemment les types d’activités culturelles proposés par Lewis. Il peut être considéré comme une combinaison de deux approches, l’une en termes de négociation « culturelle », l’autre dans les termes de la théorie des jeux. La traduction culturelle des règles de négociation est traitée ici comme une condition de la modélisation. L’article présente d’abord les catégories culturelles, puis se concentre sur le fondement théorique interdisciplinaire du propos. Le raisonnement en termes de théorie des jeux vise à renseigner les manières culturelles de négocier. Appliquée aux négociations vendeur-acheteur dans le cadre de programmes culturels différents, le raisonnement en théorie des jeux abordera les éléments suivants : l’ordre des interactions, l’horizon temporel, les gains réalisés par les joueurs, leurs conflits et leur coopération.
Le fondement théorique
Associer la réflexion sur les négociations internationales à celle portant sur les jeux de négociation nécessite une compréhension de ces deux courants de la littérature. Plusieurs modèles d’analyse de l’international business ont été développés au fil du temps ; ils montrent tous l’impact des variables culturelles sur la dynamique des négociations commerciales internationales (Sawyer et Guetzkow, 1965 ; Fayerweather et Kapoor, 1976 ; Graham, 1987 ; Moran et Stripp, 1991 ; Ghauri, 2003 ; Kalé, 2003 ; Usunier, 2003 ; Manrai et Manrai, 2010). Les premières analyses des négociations commerciales internationales ont considéré la diversité culturelle, au regard des objectifs, du processus et des résultats de négociation, comme un facteur essentiel. De récents travaux (D’Amico et Rubinstein, 1999 ; Kopelman et Olekalns, 1999) ont montré que le langage, la cognition, les rapports de confiance et de pouvoir y jouaient également un rôle important. Bien que ces approches soient nécessaires pour comprendre la communication interculturelle et les processus de négociations, ce qui leur manque est une réflexion plus systématique relativement aux conflits potentiels et aux éléments de coopération. Est donc utile un modèle permettant de saisir cette double dynamique de coopération et de conflit dans les négociations interculturelles.
Ces vingt dernières années, la théorie des jeux a eu un impact majeur en économie (surtout en micro-économie, son plus grand domaine d’application), en psychologie sociale (à propos des négociations bilatérales, des dilemmes d’action ou de la formation de coalitions), en biologie évolutionnaire (application aux contextes biologiques et stratégies d’évolution), en sciences politiques (à propos des élections, du pouvoir et dans le champ des relations internationales), mais aussi en comptabilité, marketing, droit et informatique (Rapoport et Zwick, 2000). Ainsi Kjell Hausken (1987) réunit-il théorie des jeux et théorie comportementale de la négociation, celle-ci se nourrissant de psychologie, de théorie de l’organisation, de sociologie et d’autres domaines connexes.
Pour analyser un processus de négociation internationale, le raisonnement théorique de la théorie des jeux peut être mobilisé car il offre la possibilité à un joueur 1 de se mettre dans la peau d’un joueur 2 et ainsi d’anticiper une situation coopérative ou conflictuelle. Dans cette approche, le modèle détermine les jeux issus des programmes culturels différents ; d’où le présent modèle d’analyse des négociations interculturelles.
Avec l’aide d’une axiomatique classique (Nash 1950, 1951, 1953 ; Kalai et Smorodinsky, 1975) et des modèles stratégiques de négociation (Rubinstein 1982, 1985), le comportement stratégique des acheteurs et des vendeurs peut être facilement analysé. Plus compliqués à analyser : les jeux de négociation séquentielle, comme les jeux d’offres et de contre-offres, « celle de l’acheteur », « celle du vendeur », et les offres alternées. Étant donné que ces jeux de négociation prennent en compte plus d’une période unique de négociation, toutes les phases de la négociation vont dépendre de cette structure temporelle et de l’ordre dans lequel les négociateurs vont intervenir ; ce qui définit la forme verbale de l’arbre du jeu.
Plus longue est la durée du processus et plus élevés seront les coûts de négociation. Outre les actions des joueurs, ces coûts nous renseignent sur la structure de la partie en cours. Ces coûts de négociation peuvent dépendre du temps ou ne pas dépendre du temps. Car le temps joue un rôle crucial en négociation ; il peut être mesuré par le facteur d’actualisation qui reflète l’importance des coûts de négociation, ceux-ci pouvant, soit être proportionnels à la valeur résiduelle du prix à débattre, soit fixes (par exemple quand les coûts de retard sont équivalents, pénalisant autant le vendeur que l’acheteur). Il importe de savoir si ces négociations ont lieu en une seule journée ou durent deux années de suite, car cela induit des coûts différents de transaction et d’opportunité.
Abhinay Muthoo (1999) suggère que dans les situations de négociation réelles les procédures sont ambiguës et peu spécifiées. Il souligne que le joueur qui formule l’offre en premier possède de ce fait un plus grand pouvoir de négociation. Dans les situations réelles de négociation, cette procédure permet à un seul des deux joueurs de faire des offres. Muthoo précise que durant la phase d’alternance des offres, l’intervalle de temps entre deux offres consécutives est égal à ? > 0 ; il est donc important de faire la distinction entre ces intervalles au regard de chaque joueur.
L’incomplétude d’informations est considérée comme la cause de retards dans la conclusion d’accords. Faruk Gul et Hugo Sonnenschein (1988) estiment que ce retard dans la construction d’accords résulte d’un mécanisme de signalisation pour les agents ; des agents accordant une faible valeur au temps vont se distinguer des autres par une plus grande patience dans la recherche d’un accord.
Comme chaque joueur possède en effet son propre intervalle de temps pour formuler ses offres, le partage du surplus à l’équilibre sera fonction du rapport de ces différents intervalles de temps. Muthoo (1999) constate qu’une faible différence entre ?i et ?j (l’indice représente deux joueurs i et j) influence de façon importante le partage obtenu à l’équilibre parfait en sous-jeux ; il postule, par conséquent, que l’issue de telles négociations dépend essentiellement de l’importance relative des coûts de marchandage des joueurs.
Une autre propriété importante d’un jeu de négociation interculturelle concerne l’incomplétude de l’information du fait de l’incertitude sur les caractéristiques de l’autre joueur. Des incertitudes sur les préférences temporelles, les fonctions d’utilités, la valeur du résultat, les profils de stratégies et le background culturel sont présents dans toutes sortes de situations de négociation. John McMillan (1992) souligne que l’information, en général, est un facteur de force en négociation. Un joueur peut utiliser à son avantage la possession d’informations ; l’autre négociateur peut alors prendre des mesures défensives visant à atténuer ce désavantage informationnel. Le raisonnement de John Harsanyi (1967, 1968) fonde la théorie des jeux en information incomplète. Celle-ci a été développée sous l’hypothèse générale que les joueurs ne connaissent pas les caractéristiques ou le « type » de leur adversaire, et que ce type peut être tiré au sort aléatoirement dans une distribution connue de probabilités de différents types. Un jeu de négociation en information incomplète, par conséquent, peut être transformé en un jeu en information imparfaite en introduisant un joueur fictif (la nature) qui va de manière aléatoire choisir le type des agents.
De façon similaire aux théoriciens des jeux, les théoriciens de la négociation débattent à propos des stratégies, le temps, des retards et du rôle de l’information comme sources de pouvoir en négociation. Pour John Cross (1978), les choix stratégiques sont affectés par l’incertitude. Une grande incertitude peut encourager les agents à exprimer de fortes exigences de gains comme un mécanisme d’assurance pour se protéger de devoir faire une offre inutilement généreuse. Le choix de la stratégie de négociation est en outre fondé sur une maximisation des utilités qui va inclure les coûts d’attente jusqu’à la signature de l’accord.
Otomar Bartos (1978) souligne que chaque négociateur vise, pour faire son offre d’ouverture, à être aussi proche que possible d’un gain nul pour son adversaire. Ainsi chaque négociateur doit-il rechercher une offre d’ouverture qui ne sera acceptée par ce dernier qu’avec la plus grande réticence. Par conséquent, après cette offre d’ouverture acceptée à contrecœur, la négociation est terminée ; et chaque négociateur a une idée précise de ce que l’accord lui offrira. Ces offres d’ouverture définissent ce qui peut être considéré comme un accord juste ; elles sont, par conséquent, d’une importance cruciale. Outre l’offre initiale, la décision relative à l’ampleur de la première concession dépend de divers facteurs psychologiques et sociaux, ainsi que de l’horizon temporel des acteurs. La première concession sera conséquente si l’interlocuteur est une personne de confiance. Si le négociateur sait que son adversaire a la réputation d’être coriace, alors la concession sera très faible. La première concession sera grande dans le cas où le négociateur souhaite parvenir rapidement à un accord. Les observations de Bartos combinant théorie des jeux et différences culturelles dans les négociations sont similaires à celles développées dans cet article.
Dans son ouvrage séminal, Howard Raiffa (198, p. 54) a souligné l’asymétrie dans les négociations ; elles comprennent : les différences de dotation initiales de richesses, les appréciations différentes des coûts liés au temps, les différences dans la détermination ou l’agressivité perçues, dans les évaluations marginales, dans les besoins des personnes et le nombre d’entre elles présentes de chaque côté de la table de négociation. Ce sont là des caractéristiques importantes. Le temps joue un rôle important, et le négociateur capable d’attendre plus longtemps, pour sonder avec patience son interlocuteur, et qui paraîtra moins avide de règlement, aura plus de succès (Raiffa 1982, p. 78). En outre, l’atmosphère à l’issue d’une séance de négociation aura un impact certain sur celle de la session suivante. Et chaque négociateur se préoccupe de sa réputation. Ainsi, une négociation répétée sera-t-elle souvent plus coopérative qu’une négociation de type single-shot.
Enfin, la littérature sur l’activité de négociation reconnaît l’importance des programmes cognitifs. Dean Pruitt et Peter Carnevale (1993) ont étudié la nature des processus cognitifs engagés dans une négociation, leur impact sur le comportement des négociateurs et les résultats auxquels ils parviennent. Leur approche concerne la cognition individuelle, les processus informationnels et l’application de la théorie cognitive et de sa méthodologie à la négociation. Les effets de cognition sont liés à des schémas cognitifs, soit des structures de connaissances organisées qui guident et éventuellement biaisent l’acquisition, le stockage, le rappel et l’utilisation de l’information (Bazerman 1983 ; Bazerman et Neale, 1983 ; Bazerman et al., 1985 ; Neale et Bazerman 1985, 1991 ; Thompson, Neale et Sinaceur, 2004 ; Morris et Gelfand, 2004).
Lynne Imai et Michele Gelfand (2010) ont récemment décrit un profil de négociateurs culturellement intelligents. Ces auteurs ont étudié si l’intelligence culturelle (désormais : IC) peut augurer d’une certaine efficacité dans les négociations interculturelles. Les personnes dotées d’une telle intelligence culturelle auraient tendance à être plus coopératifs et rechercher une connaissance plus approfondie des enjeux que celles dotées d’un IC faible. Elles ont découvert que les négociateurs à haute IC surmontaient plus facilement les obstacles endémiques aux négociations interculturelles car ils produisaient davantage d’efforts cognitifs pour comprendre avec précision leur homologue culturellement différent ; ils développaient donc des stratégies de négociation plus intégratives. Cela doit conduire à des résultats positifs en négociation et nous espérons que le négociateur culturellement intelligent peut se rapprocher d’un joueur rationnel en termes de la théorie des jeux.
Surtout, les travaux en théorie des jeux et en négociation montrent qu’il existe un énorme potentiel si l’on combine les propriétés robustes du raisonnement logique de la théorie des jeux avec les modèles cognitifs de la négociation culturelle.
Données empiriques pour la classification de Lewis des types d’activités culturelles
Richard Lewis (2006) a élaboré un cadre normatif de classification des cultures nationales et régionales du monde entier, à partir de son expérience comme président d’une firme multinationale possédant des établissements dans plus de trente pays. L’objectif est de rendre compte des styles de négociation, de la gestion temporelle des processus et de leur orientation. Trois groupes de négociateurs sont distingués : les planificateurs, très organisés et orientés vers leurs tâches (culture dite « linéaire active ») ; les loquaces, plutôt orientés vers les personnes, (culture dite « multi-active ») ; enfin, les écouteurs, introvertis, orientés vers le respect (culture dite « réactive »). Les différentes cultures nationales et régionales peuvent alors être abstraitement classées en trois types de cultures : linéaire-active, multi-active et réactive (désormais notées L-A, M-A et R). Malgré d’évidents mélanges culturels, le comportement en négociation correspond grosso modo à cette classification. Des différences régionales peuvent cependant être notées en Europe, Asie, Afrique et Amérique latine.
Tableau 1
Caractéristiques des types d’individus culturels : linéaire-actif, multi-actif et réactif
Caractéristiques des types d’individus culturels : linéaire-actif, multi-actif et réactif
Certaines cultures possèdent des caractéristiques de ces différents types d’activité, mais avec des pondérations. Par exemple, les vendeurs du Nord de l’Italie semblent détenir un pourcentage plus élevé de caractéristiques linéaire-actives que les Italiens du Sud. Les négociations avec un vendeur de Milan pourraient ainsi impliquer des horizons temporels différents qu’avec un vendeur de Naples. Ce dernier style correspond plus aux cultures multi-actives, et le second, un mélange de ces deux types (voir figure 1.)
Figure 1
Profils des cultures : linéaire-active, multi-active et réactive
Profils des cultures : linéaire-active, multi-active et réactive
Le triangle ci-dessus tente de situer certaines cultures nationales comme des combinaisons des cultures linéaire-actives, multi-actives et réactives. Il s’agit en effet de pondérer ces combinaisons pour construire des profils culturels appropriés. Les dynamiques d’éducation culturelle, d’apprentissage culturel et d’adaptation à de nouvelles cultures, variables majeures, seront traitées plus loin lors de notre discussion sur les pistes de recherche.
Bien que ces trois types se combinent dans diverses cultures nationales, nous nous concentrerons ici, pour des raisons de modélisation, sur le rapport entre chacun de ces styles « purs » de négociation. Cet article examine donc les affrontements entre idéaux-types (États-uniens, Japonais et Brésiliens) pour souligner les différences de comportements en négociation.
Les catégorisations de Lewis sont fondées sur son expérience personnelle et sur des observations accumulées sur plusieurs décennies. Il n’existe cependant à l’heure actuelle aucune étude empirique utilisant les types d’activités qu’il propose. Ils ont néanmoins une réelle pertinence empirique. Les études mentionnées ci-dessous confirment ces preuves anecdotiques. Cet article utilise donc résultats empiriques et expérimentaux pour étayer les conditions nécessaires à un traitement mathématique des types d’activités culturelles. Pour cette raison, les résultats des études de Adair et Brett (2004, 2005), Adair et al. (2007), Bartos (1978), Brett et Okumura (1998), Chaney et Martin (2004), Graham (1983, 1984, 1985), Graham et Mintu-Wimsat (1997), Roth et al (1981), Salacuse (1999) et Usunier (2003) ont été regroupés et connectés aux types d’activités culturelles dans l’objectif de fournir diverses preuves empiriques de ces idéaux-types de cultures linéaire-active, multi-active et réactive. La congruence de ces études avec l’expérience de Lewis est présentée dans le tableau 2.
Tableau 2
Preuves empiriques des types d’activité culturelle
Preuves empiriques des types d’activité culturelle
Procéder par le biais de types d’activités culturelles, ces derniers fondés sur des décennies d’observations par un expert interculturel comme Lewis et corroborés par les résultats de la littérature empirique et expérimentale, est une condition nécessaire pour construire un cadre d’analyse robuste. Ces types d’activité se traduisent alors facilement en profils d’action ; les stratégies au cœur des modèles de la théorie des jeux et l’arrière-plan cognitif culturel de ces trois types permettent d’offrir de nouvelles hypothèses de rationalité d’action.
Un cadre d’analyse pour les négociations interculturelles
Dans la section précédente, nous avons pu montrer les différents profils stratégiques de chacun des types d’activités culturelles. L’étape suivante consiste à mettre en place un jeu de négociation spécifique à ces types ; ce qui génère neuf scénarios possibles de coopération et de conflit. Ce jeu peut être décrit comme un modèle de négociation à deux joueurs, ou un jeu en plusieurs étapes, avec des informations complètes ou incomplètes.
L’ensemble des joueurs N = {V, A} se compose de deux éléments : le vendeur et l’acheteur. Le contexte culturel des joueurs est modélisé en tant qu’actions (informations complètes) ou en tant que types (informations incomplètes). Ils relèvent d’une culture pouvant être linéaire-active, multi-active ou réactive. Les profils de stratégie sont : offrir, ou ne pas offrir ; et accepter, ou rejeter. Le résultat de ces stratégies culturellement déterminées d’une offre de prix p dépend du profil culturel (cf. les preuves empiriques pour chacun des trois types d’activité). Une autre façon de montrer les différences entre ces types d’activités culturelles serait d’imaginer un jeu en information incomplète dans lequel la nature (un joueur fictif) rend aléatoire les types mixtes, T = {tL, tM, tR}. L’acheteur doit déterminer si le type du vendeur est l’un de ceux mentionnés ci-dessus ou, tout simplement, un mélange de types, avec des pondérations. La probabilité d’avoir un type pur ou un mélange est lisible dans la distribution des probabilités. Enfin, il est nécessaire de considérer les fonctions de règlement des gains. Dans une situation d’achat-vente, ce sont les fonctions d’utilité respective. Uv et UA désignent les gains du vendeur et de l’acheteur. Les gains correspondent au modèle général d’achat-vente, où Uv désigne le prix moins les coûts p-c, et UA la valeur privée du produit moins le prix payé v-p. Grâce à ces propriétés générales, le cadre d’analyse peut désormais être adapté à l’examen des types d’activités culturelles ; les neuf scénarios de jeux de négociation peuvent maintenant être présentés.
Comme les positions d’acheteur ou vendeur sont différentes, un comportement culturellement déterminé devrait conduire à des résultats différents pour vendeurs et acheteurs. Aussi, dans notre cadre d’analyse, les différences culturelles dans les comportements de négociation sont-elles liées au type d’offres initiales, à la fréquence de rejet et à la valeur accordée au temps par les agents (au lieu de à la temporalité). Différentes stratégies de négociation surviennent en raison de l’importance de l’offre initiale qui va englober toute la longueur du processus de négociation. Par exemple, une approche directe et l’anticipation d’une période courte de négociation peuvent entraîner une offre initiale plus faible (inférieure) p0 et de plus faibles coûts de négociation dépendant du temps. Ces règles incluent la gamme de prix, comme le prix final p*, et la mesure du temps, comme le facteur d’actualisation ?, introduit dans le modèle. Dans le cas où les deux joueurs ont des informations incomplètes sur le comportement culturel de l’autre, l’incertitude porte sur le prix offert, la valeur du facteur d’actualisation, le comportement d’acceptation ou de rejet vont être déterminant.
Autre caractéristique importante à considérer : le mécanisme de négociation est dépendant, soit du vendeur formulant ses offres, soit de l’acheteur proposant les siennes, ou fondé sur une alternance de ces offres. Les sections suivantes traitent de l’ordre des séquences du jeu, de l’horizon temporel, et les sources de coopération et de conflit selon les types de joueurs.
Le pouvoir de négociation détermine celui des deux qui formule la première offre de prix. Le vendeur peut proposer p0 connaissant le coût du produit c. Considérons que la valeur que l’acheteur accorde au produit pour l’obtenir est plus élevée que le prix qu’il propose ou qu’il accepte ; ce qui conduit à v – p. Outre les différentes valorisations du produit dans une situation d’achat-vente, les scénarios de transactions internationales supposent la prise en compte des diverses perceptions stratégiques des processus de négociation. L’horizon temporel joue un rôle important et, dans le cadre de l’ensemble des coups joués, conduit à un problème de négociation en information incomplète, du fait des préférences temporelles différentes des joueurs. Les divers cas d’interaction sont développés dans la dernière section de l’article ; l’ordre des séquences du jeu, de manière abstraite, est le suivant (fig. 2) :
Figure 2
Séquences d’un modèle de négociation interculturelle
Séquences d’un modèle de négociation interculturelle
Schéma général d’un jeu d’offres d’achat-vente en information complète (focus sur coopération et conflit) :
Le vendeur offre un prix ;
L’acheteur accepte ou rejette l’offre ;
Une acceptation conduit à l’arrêt du jeu. Un rejet conduit à une autre offre du premier joueur ou une contre-proposition du second joueur. Selon les types culturels, il y aura une série d’offres et de contre-offres, ou la rupture des négociations.
Schéma général d’un jeu d’offres d’achat-vente en information incomplète (montrant la dynamique d’adaptation et d’apprentissage culturel) :
La Nature choisit le type de vendeur T = {tL, tM, tR} avec une probabilité q ;
Le vendeur offre un prix ;
L’acheteur accepte ou rejette l’offre ;
Une acceptation conduit à l’arrêt du jeu. Un rejet conduit à une autre offre du premier joueur ou une contre-proposition du second. Selon les types culturels, il y aura une série d’offres et de contre-offres, ou la rupture des négociations.
Hypothèse générale : il existe trois types de cultures : linéaire-active, centrée sur l’offre initiale et une perspective de court terme ; multi-active, avec des offres plus conséquentes en fonction de l’horizon temporel ; enfin réactive, fondée sur la réciprocité des comportements.
Les gains dépendent du prix, des coûts et du facteur d’actualisation qui caractérisent le processus de négociation. Le prix p* est, pour tous les types, le prix final obtenu par négociation après une certaine période de temps. L’offre initiale pour chaque type p0 est la proposition de chacun qui comprend la marge dont les joueurs anticipent l’ajout et qui dépend de leur type, p0 = {pL, pM, pR}. Les coûts de négociation sont un produit de la durée de la négociation mesurée par le facteur d’actualisation ?, différent pour les trois types tels que 0 ? ?L ? ?M ? ?R ? 1 (avec ?L pour le type L-A impatient, ?M pour le type M-A et ?R pour le type R).
Les offres initiales de prix dépendent des types culturels, p0 = {pL, pM, pR}, comme le montre le raisonnement suivant :
Un vendeur de culture L-A recherche pL, son prix initial qui comprend une petite marge L, pour couvrir une courte période de négociation.
Un vendeur de culture M-A offre pM, M étant une marge fixe, considérée être au-dessus du prix anticipant les coûts de négociation au cours de la période concernée.
Un vendeur de culture R construit son offre initiale pR, R considéré comme une marge au-dessus du prix du vendeur, pour tenir compte des coûts de retard dans l’atteinte d’un accord.
Les gains sont composés du prix final moins les coûts impliqués. Puisque nous prévoyons que le prix est le résultat d’une procédure de négociation, le prix final peut être, soit le prix espéré ou, en cas de difficultés au cours du processus, le prix p*, avec une marge fondée sur l’horizon temporel. Celle-ci est produite du fait de l’asymétrie des comportements en négociation. D’où des retombées négatives, du fait des coûts élevés de négociation. L’intervalle entre les offres ? joue un rôle important. Trois types d’offres sont à distinguer. Nous avons d’abord ?L ? 0 pour une courte négociation de type linéaire-active, ?R ? 1 pour un type R patient, et ?M ? {0,1} pour un type M-A. Les études empiriques montrant que l’intervalle temporel entre les offres dépend du type de joueur, nous pouvons ajouter à la fonction de prix cet intervalle ?. Cela conduit aux fonctions suivantes : pL(?L) pour le joueur de type L-A, pM(?M) pour le joueur de type M-A, et pR(?R) pour le joueur de type R. En outre, nous pouvons considérer que les coûts de négociation dépendent de la durée du processus et du type culturel, notés cL(?L) pour le L-A, cM(?M) pour le M-A et cR(?R) pour le joueur de type R. De façon identique, la valeur du processus de négociation pour l’acheteur pourrait dépendre de la durée du processus de négociation, de sorte que les fonctions de valeur pour le processus pourraient être, respectivement, vL(?L), vM(?M) et vR(?R). Enfin, les fonctions de gains diffèrent, pour le vendeur et l’acheteur, selon les types d’activités culturelles.
Les gains des trois sortes de vendeurs sont donc : USL = pL(?L) – cL(?L), USM = pM(?M) – cM(?M), et USR = pR(?R) – cR(?R). Pareillement, les gains des acheteurs sont : UBL = vL(?L) – pL(?L), UBM = vM(?M) – pM(?M), et UBR = vR(?R) – pR(?R).
Les caractéristiques des vendeurs et acheteurs selon leur type seront utilisées dans la section suivante, celle concernant la contingence des scénarios de négociation. Le tableau 3 ci-dessous présente un cadre global de négociation achat vente, avec des stratégies différentes de négociation culturelles (informations complètes) ou différents types d’activités culturelles (information incomplète). Des compléments seront apportés dans la section suivante.
Les neuf scénarios commentés dans les tableaux suivants offrent un bon aperçu des rôles respectifs des séquences de jeu, de la temporalité et de l’information dans la structuration de ces jeux de négociation. Les scénarios sont présentés du point de vue du vendeur, avec des acheteurs de même identité culturelle ou culturellement éloignés. Ces quatre sections sont structurées de telle sorte que chaque tableau fournit un exemple de combinaisons vendeur-acheteur sur l’axe coopération/conflit, comme indiqué en liminaire de l’article et selon les usages en théorie des jeux.
Tableau 3
Un modèle achat vente de négociations interculturelles
Un modèle achat vente de négociations interculturelles
Séquences de jeu de négociation entre acheteurs linéaire-actifs, multi-réactifs, réactifs et vendeurs
Les tableaux suivants comprennent : la temporalité, l’ordre des séquences et les gains mutuels selon les scénarios conflictuels et coopératifs entre vendeurs et acheteurs, en fonction de leurs caractéristiques culturelles. Il s’agit d’une application du modèle mentionné ci-dessus. Considérons-le comme un point de départ pour la construction d’hypothèses, la recherche expérimentale et des solutions analytiques en théorie des jeux.
Tableau 4
Vendeurs et acheteurs de culture commune (le vendeur est considéré comme un exportateur d’où l’exposant Ex, et l’acheteur un importateur, Im)
Vendeurs et acheteurs de culture commune (le vendeur est considéré comme un exportateur d’où l’exposant Ex, et l’acheteur un importateur, Im)
Ce tableau 4, entre partenaires partageant une même culture, montre une forte probabilité d’un résultat positif et des résultats satisfaisants pour les deux joueurs. Les cas de partenaires « culturellement éloignés » sont développés dans les sections suivantes. Les scénarios potentiels de négociation sont résumés dans les trois tableaux ci-dessous ; ils peuvent être considérés comme un point de départ pour la construction d’hypothèses et la recherche empirique.
Tableau 5
Marchandages entre vendeurs de culture linéaire-active et acheteurs de cultures multi-active ou réactive
Marchandages entre vendeurs de culture linéaire-active et acheteurs de cultures multi-active ou réactive
Les vendeurs de type L-A s’engagent en premier, avec une offre initiale de niveau inférieur à celui prévu par les acheteurs de type M-A ou R. Ces derniers s’attendent à un processus de longue durée, bien que pour des raisons différentes. La fréquence des rejets sera plus élevée avec un acheteur de type M-A. Cela aboutira à une fin prématurée du processus, du fait de styles peu compatibles de négociation. L’acheteur de type R pourrait déclencher une fin précoce dans le processus de négociation en raison des différences temporelles et face à l’impatience du vendeur. Les gains des acheteurs L-A sont ainsi déterminés par ces rejets ou ces acceptations. Le niveau des gains du vendeur de type L-A ou R et de l’acheteur de type M-A correspond aux situations de rupture, de blocage ou de succès de ces processus. De toute évidence, l’abaissement du prix pour le vendeur de type L-A signifie une fin de jeu plus rapide, tandis que la valeur v des gains des acheteurs liée à un horizon illustre une volonté écourtée de négocier et d’obtenir rapidement un accord. Les gains racontent l’histoire d’un résultat satisfaisant pour un seul joueur. La probabilité d’un accord est plutôt faible si l’on considère les gains obtenus.
Examinons maintenant le tableau 6, avec des scénarios de négociation et des règles du jeu concernant des vendeurs de type M-A et des acheteurs de type L-A ou R.
Le vendeur de type M-A partira d’une offre initiale élevée, ce qui va déclencher un rejet de l’acheteur de type L-A, ou son acceptation immédiate. Le rejet conduira à un processus de court-terme puisque l’acheteur de type L-A s’attend à un prix équitable. Dans le cas d’un acheteur de type R, les différences dans les styles de négociation nuiront à une issue positive. Les objectifs d’une relation durable et d’un processus de négociation de long-terme (avec une cohérence entre les propositions et les coûts de négociation), partagés entre un vendeur de type M-A et un acheteur de type R, favoriseront un résultat positif du processus. Le niveau de gains du vendeur de type M-A signifie que le vendeur sera en mesure d’aboutir à un accord plus rapidement avec un acheteur de type L-A que de type R ; ce résultat se situera néanmoins à un niveau supérieur quand le partenaire est un joueur de type L-A.
Enfin, du point de vue des vendeurs de type R, les affrontements et les potentiels de coopération avec les acheteurs de type M-A et L-A sont conceptualisés dans le tableau 7.
Tableau 6
Négociations entre vendeurs de culture multi-active et acheteurs de culture linéaire-active ou réactive
Négociations entre vendeurs de culture multi-active et acheteurs de culture linéaire-active ou réactive
Tableau 7
Négociations entre un vendeur de culture réactive et un acheteur de culture linéaire-réactive ou multi-active
Négociations entre un vendeur de culture réactive et un acheteur de culture linéaire-réactive ou multi-active
Les vendeurs de type R débutent avec une offre initiale élevée ; ils s’attendent à négocier pendant une longue période. L’acheteur de type L-A acceptera cette offre trop tôt ou alors négociera, mais dans une période de temps plus courte. D’où l’incompatibilité de ces deux styles de négociation, autant en termes de coûts de négociation que de l’usage de patience. L’acheteur de type M-A, cependant, peut prévoir un processus long de marchandage ; il y aura, par conséquent, un choc de styles de négociation (marchandage vs. patience). Les niveaux de gains entre vendeurs de type R et acheteurs de type L-A, comme pour les acheteurs de type M-A, correspondent à une acceptation rapide de la première combinaison et une procédure longue de négociation.
Ces scénarios mettent l’accent sur la structure d’un processus de négociation entre vendeurs et acheteurs. Le modèle proposé ici conduit à une compréhension stratégique des processus de négociation entre joueurs issus de différentes cultures. Il peut permettre d’éviter les blocages ; il offre un bon aperçu des différentes approches utilisées dans un contexte international. La structure elle-même de la négociation est déterminée de façon endogène, contrairement à l’hypothèse classique en théorie des jeux où la structure de négociation est considérée exogène. Par exemple, la probabilité d’un jeu d’offres alternées est plus forte dans certains scénarios que dans d’autres. En outre, l’incertitude peut être d’origine unilatérale ou bilatérale ; une conception différente du mécanisme de négociation peut donc être développée à l’égard de ces deux types d’incertitudes.
Conclusion
Le modèle de négociation interculturelle développé dans cet article illustre la pertinence d’une étude, à partir de la théorie des jeux, des comportements de négociation culturellement programmés. L’article s’appuie sur l’expérience de Lewis (2006) qui répartit les cultures régionales et nationales en trois types d’activités différents, correspondant aux trois styles de négociation nord-américain, japonais et brésiliens tels qu’élégamment présentés dans la littérature.
La connaissance expérientielle de Lewis sur les cultures dites linéaire-active, multi-active et réactive s’associe aux preuves empiriques fournies par la littérature. Les principales fonctionnalités et caractéristiques des stratégies de négociation ont été ainsi confirmées. Le transfert de ces types d’activités en styles et stratégies de négociation selon des types culturels et au regard de la théorie des jeux a été mis au centre de la première partie de cet article. Cela a signifié que les stratégies de négociation de type linéaire-active, multi-active et réactive divergent en termes d’offre initiale, de séquence des offres, de fréquence des rejets et des valeurs obtenues selon la durée du processus de négociation.
L’étape suivante a consisté à transférer les caractéristiques de ces types d’activités dans les propriétés mathématiques des modèles de la théorie des jeux. Ces propriétés font ainsi le lien entre les stratégies expérientielles de négociation, les éléments empiriques et les raisonnements de la théorie des jeux.
Enfin, neuf scénarios de négociations entre acheteurs et vendeurs en contexte international ont été construits pour illustrer les heurts possibles entre ces types. Du point de la théorie des jeux, joueurs (vendeurs et acheteurs), stratégies (selon qu’elles relèvent de cultures réactive, linéaire-active ou multi-active) et gains (les fonctions d’utilité des deux types de joueurs) ont été présentés dans le tableau présentant ces scénarios de négociation. Les raisonnements supposés de ces acheteurs et vendeurs issus de différents types d’activités culturelles ont été pris en compte. Les trajectoires probables de coopération et de conflit ont été présentées dans les quatre tableaux suivants, pour chacun des types d’activité culturelle.
Cet article a utilisé la perspective d’un vendeur agissant en premier. Il en résulte des différences pour un vendeur de type L-A en termes d’une offre initiale faible générant des affrontements avec des acheteurs de type M-A ou R dotés d’horizons de négociation plus conséquents. Un vendeur de type M-A sera mécontent de l’absence de volonté de marchandage émanant d’un acheteur de type L-A ou R. Enfin, un vendeur de type R sera contrarié par une acceptation prématurée de son offre par un acheteur de type L-A, réduisant ainsi la possibilité pour chaque partie de mieux se connaître au travers du processus de négociation. Le rejet, fréquent, par l’acheteur de type M-A, de l’offre d’un vendeur de type R, crée des incompatibilités certaines entre négociateurs. L’ordre des séquences du jeu et les scénarios de conflit et de coopération illustrent les interactions stratégiques entre négociateurs appartenant à ces types différents d’activités culturelles. Les schémas cognitifs culturels de la négociation montrent ainsi que les affrontements culturels sont fondés sur des modèles mentaux divergents du point de vue des processus de négociation.
Un modèle culturel cohérent nous semble s’être dégagé en ce qui concerne les difficultés de négociation entre cultures linéaire-active et multi-active, du fait des différences entre horizons de négociation et d’un style de négociation plus agressif. En revanche, les cultures linéaire-active et réactive peuvent, en toute logique, générer de la coopération, mais se heurteront probablement en termes de gestion du temps et d’usage de la patience. Comprendre que les négociateurs issus de cultures linéaire-actives devront négocier plus longtemps, étant donné leur programme d’apprentissage cognitif, pourrait contribuer à réduire les malentendus, qui reposent plus sur des différences d’activités culturelles que sur des questions de fond. De nombreux échecs de négociations devront être analysés en termes d’idées fausses au sujet des offres initiales du partenaire, de l’horizon et des coûts de négociation. Certaines négociations pourraient ainsi être conclues avec succès, avec des solutions coopératives, si ces types d’activités culturelles sont pris en compte, ex ante. Nous nous félicitons ainsi des travaux de recherche d’Imai et de Gelfand (2010) à propos du négociateur culturellement intelligent ; cela peut encourager la coopération et aboutir à des résultats conséquents. L’intelligence culturelle d’un négociateur doit lui permettre d’anticiper ces différences dans ses habitudes de négociation et faciliter la coopération.
L’examen attentif des approches de type « le temps-c’est-de-l’argent » (cultures linéaire-actives), « la-négociation-est-un-art » (cultures multi-actives) et « bâtir-la-confiance » (cultures réactives) montre les heurts et blocages probables entre ces différents types d’activité culturelle. Il a été démontré combien il est facile de s’engager dans une impasse ou créer une situation de rupture. Transformer ces types d’activités culturelles dans le raisonnement de la théorie des jeux a révélé un potentiel pour anticiper les mouvements dans les négociations, éviter les conflits et prévenir les échecs. Ces neuf scénarios ont cependant été abordés dans une perspective d’information complète.
Le cadre théorique de la théorie des jeux est utile pour comprendre les interactions stratégiques entre des parties inscrites dans un processus de négociation. Ajouter les types d’activités culturelles dans l’équation permet de montrer qu’il existe une possibilité de desserrer l’hypothèse de rationalité avec une « rationalité culturellement enracinée », en combinant la robustesse du raisonnement de la théorie des jeux avec la logique culturellement intégrée des procédures de négociation liés à la cognition culturelle et d’apprentissage. De nouvelles recherches pourraient se concentrer sur les scénarios d’informations incomplètes, proches de la négociation de la « vie réelle », avec une « randomisation » de ces types d’activités culturelles. Cela requiert des modèles mathématiques, avec concepts de preuves ou d’équilibre et procédures de raisonnement, pour mettre au jour les impasses, les bris de processus et les chemins menant à l’accord. Sur un plan plus pratique, les processus de négociations pourraient être analysés au travers d’études de cas, d’expérimentations et d’enquêtes empiriques.
Le présent modèle de négociations interculturelles offre la possibilité d’analyser les négociations internationales du point de vue des types d’activités culturelles. Linéaire-active (« le-temps-c’est-de-l’argent »), réactive (« bâtir-la-confiance ») ou multi-active (« la-négociation-est-un-art ») : ces cultures jouent toutes un rôle important dans la détermination du résultat des négociations interculturelles. Dans l’avenir, les négociations internationales, qu’elles soient d’affaires ou politiques, pour anticiper la coopération ou le conflit, devront s’appuyer beaucoup plus sur une connaissance fine de ces modes cognitifs de négociation culturelle.
Date de dernière mise à jour : 09/11/2024
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